Le temple d’Isis à Philae représente l’un des sauvetages archéologiques les plus spectaculaires de l’histoire. En effet, ce sanctuaire majeur, menacé par les eaux du lac Nasser en 1979, a été entièrement démonté et reconstruit sur l’île d’Aguilkia, à 300 mètres de son emplacement d’origine, grâce à une opération internationale impliquant 23 pays et un investissement de 15 millions de dollars.
Érigé principalement par les souverains lagides entre 332 et 30 avant notre ère, le temple d’Isis constitue un témoignage exceptionnel de la dévotion égyptienne. En effet, il s’est distingué comme étant le dernier sanctuaire païen actif d’Égypte, maintenant ses rituels jusqu’en 550 de notre ère, lorsque l’empereur Justinien ordonna sa fermeture.
Dès le VIIe siècle avant notre ère, l’île de Philae s’est imposée comme un lieu sacré majeur de l’Égypte ancienne. En effet, les premiers vestiges du sanctuaire remontent au règne de Taharqa (690-664 av. J.-C.), qui fit construire un complexe dédié au dieu Amon. Notons aussi les vestiges d’un sanctuaire ancien datant du règne d’Ahmôsis II (570-526 avant notre ère).
À travers cet article, découvrez l’histoire fascinante de ce joyau architectural, son sauvetage extraordinaire et sa signification culturelle qui continue d’émerveiller des milliers de visiteurs chaque jour.
Visite de Philae:
Légende:
- 1. Le vestibule de Nectanebo Ier.
- 2. 1ère cour avec le 1er pylône et la colonnade inachevée à droite.
- 3. 1er pylône
- 4. Le kiosque de Trajan
- 5. Le deuxième pylône
- 6. 2ème cour avec le Mammisi ou maison natale
- 7. Temple d’Isis 8. Porte d’Hadrien.
- 9. Le temple d’Horus
- 10. Le temple d’Hathor.
L’histoire millénaire du temple d’Isis à Philae
Dès le VIIe siècle avant notre ère, l’île de Philae s’est imposée comme un lieu sacré majeur de l’Égypte ancienne.
Les origines du sanctuaire
Les premières structures cultuelles significatives apparaissent sous la XXVe dynastie, notamment pendant la période saïte (664-525 av. J.-C.). Par ailleurs, le pharaon Nectanebo Ier (380 à 362 av. J.-C.) enrichit considérablement le site en ajoutant une imposante colonnade.
L’âge d’or ptolémaïque
L’apogée du temple d’Isis survient sous la dynastie ptolémaïque. En effet, Ptolémée II Philadelphe (285-246 av. J.-C.) lance la construction du temple principal, achevée par son successeur Ptolémée III Évergète. Ainsi, le sanctuaire devient un centre majeur du culte d’Isis, attirant des pèlerins de toute la Méditerranée.
Les prêtres de Philae, vêtus de blanc, revendiquaient une connaissance profonde des mystères. Ainsi, les fidèles affluaient particulièrement lors des festivals de printemps et d’automne, où se déroulait la représentation de la mort et de la résurrection d’Osiris.
La période romaine et chrétienne
Sous la domination romaine, le temple maintient son importance religieuse. L’empereur Hadrien (117-138 apr. J.-C.) fait construire une nouvelle porte à l’ouest du complexe. Cependant, le christianisme commence à s’implanter au IVe siècle, coexistant initialement avec les cultes traditionnels.
Le dernier texte hiéroglyphique connu au monde fut gravé à Philae en 394 apr. J.-C. par le prêtre Esmet-Akhom. Le temple reste actif jusqu’au règne de l’empereur Justinien Ier (527-565 apr. J.-C.), qui ordonne la fermeture de tous les temples païens. Par la suite, le sanctuaire est transformé en église chrétienne dédiée à la Vierge Marie.
Architecture et éléments remarquables du temple
L’architecture majestueuse du temple d’Isis sur l’île de Philae témoigne du génie architectural des bâtisseurs de l’Égypte ancienne.
Le premier pylône et la cour
Le premier pylône, imposante porte d’entrée du temple, s’élève à 18 mètres de hauteur et s’étend sur 45 mètres de largeur. Deux lions majestueux en granite montent la garde devant cette entrée monumentale. Notamment, les tours du pylône sont ornées de scènes religieuses représentant Ptolémée XII, portant la double couronne de Haute et Basse Égypte, faisant des offrandes aux divinités Isis, Nephthys, Horus et Hathor.
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Les salles hypostyles et sanctuaires
Par ailleurs, la salle hypostyle, accessible par le second pylône, comprend dix colonnes aux chapiteaux floraux polychromes. Cette salle conserve des traces historiques uniques, notamment le décret de fondation d’une église copte datant de 537. Au-delà de cette salle se trouve une série de dix chambres dédiées au mythe d’Osiris.
Le sanctuaire central, considéré comme le Saint des Saints, présente des murs couverts de représentations exceptionnelles d’Isis. Ainsi, la déesse y est dépeinte dans diverses postures: protégeant son époux Osiris, allaitant son fils Horus, ou combattant les forces négatives aux côtés des déesses de la région des cataractes, Satis et Anoukis.
Les reliefs et décorations
Les murs extérieurs du temple sont ornés de reliefs datant principalement du règne de Tibère. Les scènes sculptées racontent l’histoire d’Osiris, notamment une représentation saisissante d’Isis observant Osiris porté sur le dos d’un crocodile traversant le Nil. Une autre scène remarquable montre Isis, Nephthys, Horus, Amon et Hathor vénérant le dieu-faucon s’élevant au-dessus du fleuve.
Les colonnes de la salle hypostyle, sculptées pour évoquer des lotus, des lys et des plants de papyrus, reproduisent symboliquement les marais environnants. Cette conception architecturale sophistiquée créait une progression spirituelle: depuis la lumière éclatante de la cour extérieure jusqu’à l’obscurité mystérieuse du sanctuaire, intensifiant ainsi l’expérience sacrée des fidèles.
Le sauvetage spectaculaire des monuments
La construction du barrage d’Assouan marque un tournant décisif dans l’histoire du temple d’Isis. En effet, ce projet d’envergure menace directement la survie de ce joyau architectural millénaire.
La menace du barrage d’Assouan
Le premier barrage d’Assouan, achevé en 1902, provoque déjà des inondations préoccupantes. Puis, la situation s’aggrave notamment avec deux rehaussements successifs entre 1907-1912 et 1929-1934. Par ailleurs, le temple ne reste visible que pendant trois mois de l’année, de juillet à octobre, lorsque les vannes du barrage sont ouvertes.
La construction du Haut Barrage d’Assouan en 1970 fait peser une menace encore plus grave: la submersion permanente du site. Ainsi, les eaux du lac Nasser menacent désormais d’engloutir définitivement ce témoignage unique de l’Égypte antique.
L’opération de déplacement UNESCO
Face à cette situation critique, l’UNESCO lance en 1960 une opération de sauvetage sans précédent. Près de cinquante pays unissent leurs forces, mobilisant ingénieurs et scientifiques des États-Unis, de France, d’Italie, de Suède, d’Égypte, d’Espagne, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et d’Allemagne.
L’opération se déroule en plusieurs étapes cruciales, la construction d’un barrage temporaire autour de l’île, puis le pompage de l’eau pour assécher la zone. Ensuite est effectué le démontage minutieux des temples en 40 000 blocs et enfin le transport des pierres vers leur nouvelle destination.
La reconstruction sur l’île d’Aguilkia
Le choix se porte sur l’île d’Aguilkia, située à 500 mètres de l’emplacement d’origine. Les travaux de reconstruction, menés entre 1977 et 1979, nécessitent une précision exceptionnelle. Les ingénieurs utilisent la photogrammétrie, une technique novatrice permettant de reproduire exactement les dimensions originales des blocs.
Cette prouesse technique, estimée à 10 millions de dollars à l’époque, sauve non seulement le temple mais préserve également son authenticité. Cependant, certains éléments n’ont pu être conservés : les couleurs des reliefs et la végétation caractéristique de l’île originelle ont été emportées par les eaux.
Aujourd’hui, seule la pointe la plus élevée de l’ancienne île de Philae émerge encore du lac, témoignant silencieusement de l’emplacement initial de ce sanctuaire millénaire.
Les autres monuments du complexe
Au-delà du temple d’Isis, plusieurs monuments remarquables enrichissent le complexe de Philae, chacun témoignant d’une période distincte de l’histoire égyptienne.
Le kiosque de Trajan
Celui-ci est surnommé « le lit du Pharaon » par les habitants locaux, il se distingue comme l’une des structures les plus emblématiques du site. Cette construction hypèthre de 15 mètres sur 20 mètres, s’élevant à 15,85 mètres de hauteur, servait autrefois d’entrée principale depuis le Nil. De plus, quatorze colonnes massives, reliées par des murs-écrans, soutiennent des chapiteaux floraux finement sculptés.
Par ailleurs, bien que le monument soit attribué à l’empereur Trajan (98-117 apr. J.-C.), la majorité de la structure daterait de l’époque d’Auguste. Les reliefs intérieurs représentent Trajan faisant des offrandes à Osiris et Isis, ce qui témoigne de la continuité des traditions égyptiennes sous l’Empire romain.
Les temples secondaires
Le temple d’Hathor, érigé sous les règnes de Ptolémée VI et VIII, occupe une position privilégiée à l’est du temple d’Isis. Ainsi, ce sanctuaire, décoré sous Auguste, célébrait particulièrement Hathor comme incarnation de l’Œil du Soleil revenu de Nubie.
Le temple d’Harendotes et d’Horus, décoré sous Claude, ne conserve aujourd’hui que son pavement et sa première assise de blocs, plusieurs éléments ayant été réutilisés dans l’église occidentale. De plus, le modeste temple d’Arensnuphis, dédié à une divinité nubienne, témoigne des échanges culturels entre l’Égypte et la Nubie.
Les structures ptolémaïques
Ces monuments comprennent également des propylées pyramidaux aux dimensions colossales. En effet, deux lions en granite monumentaux gardaient l’entrée, derrière lesquels s’élevaient deux obélisques de 13 mètres de hauteur.
Le sol de Philae avait été méticuleusement préparé pour accueillir ces constructions, nivelé aux endroits irréguliers et renforcé par de la maçonnerie là où il s’effritait. Les murs occidentaux du Grand Temple et du dromos reposaient sur des fondations particulièrement robustes, construites sous le niveau de pré-inondation et ancrées dans le granit formant le lit du Nil.
Les colonnes des différents portiques présentaient des chapiteaux variés, combinant branches de palmier, branches de palmier doum et fleurs de lotus. Ces éléments architecturaux, ainsi que les sculptures ornant les colonnes, les plafonds et les murs, étaient peints de couleurs vives qui, grâce à la sécheresse du climat, ont conservé une grande partie de leur éclat d’origine.
Photo: Détails d’une colonne de Philae
La signification religieuse du site
Pendant des millénaires, le sanctuaire de Philae s’est distingué comme le centre spirituel le plus vénéré du culte d’Isis, attirant des fidèles de tout le monde méditerranéen.
Le culte d’Isis en Égypte ancienne
Isis, déesse de la magie, de la fertilité et de la maternité, occupait une place centrale dans la mythologie égyptienne. Notamment, son rôle de protectrice et de guérisseuse lui conférait un statut particulier parmi les divinités. Par ailleurs, son association avec la résurrection, illustrée par son rôle dans la renaissance d’Osiris, renforçait son importance dans les croyances liées à l’au-delà.
Les premiers textes mentionnant Isis remontent à la Ve dynastie (vers 2465-2323 av. J.-C.), dans les Textes des Pyramides. Ainsi, bien qu’elle fût l’une des plus puissantes magiciennes parmi les dieux, elle ne possédait pas ses propres temples jusqu’à la période ptolémaïque.
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Les rituels et cérémonies
Les cérémonies religieuses à Philae suivaient un calendrier précis. Ainsi, les rituels quotidiens comprenaient l’habillage de la statue divine, les offrandes de nourriture et enfin les libations de lait, une pratique particulièrement significative pour les Nubiens.
Le Festival de l’Entrée, célébré pendant le mois de Khoiak au début de l’automne, constituait l’événement le plus important. Durant cette célébration, les statues dorées d’Isis et d’Osiris étaient transportées en procession jusqu’à l’île de Biggeh, où se trouvait la tombe présumée d’Osiris.
En effet, les prêtres nubiens, reconnus pour leur savoir astronomique et leur maîtrise de l’égyptien, du grec et du méroïtique, jouaient un rôle crucial dans ces cérémonies. Par ailleurs, les inscriptions témoignent de leur influence grandissante entre 175 et 275 de notre ère, période durant laquelle ils occupèrent les plus hautes fonctions sacerdotales.
L’héritage spirituel
Le temple d’Isis à Philae demeura le dernier bastion du paganisme en Égypte. Cependant, le christianisme commença à s’implanter dès le IVe siècle, coexistant initialement avec les cultes traditionnels.
Les Blemmyes, peuple nubien, obtinrent par traité avec Rome en 452 le droit de continuer à vénérer Isis et d’emprunter sa statue sacrée une fois par an. Ainsi, leur dévotion permit au temple de maintenir ses traditions ancestrales bien après que les autres sanctuaires eurent cessé leurs activités.
La dernière inscription démotique fut gravée en 452 sur le toit du temple. Par la suite, cinq temples furent convertis en églises, dont le temple d’Isis lui-même, consacré à Saint-Étienne. Cette transformation marqua la fin d’une tradition religieuse millénaire, tout en témoignant de la persistance de la sacralité du site.
L’île et le temple d’Isis de Philae en quelques mots…
Le temple d’Isis de Philae représente bien plus qu’un simple monument architectural. En effet, son histoire millénaire témoigne de la richesse spirituelle de l’Égypte ancienne, depuis sa construction sous les Ptolémées jusqu’à sa transformation en église chrétienne.
Par ailleurs, le sauvetage spectaculaire du temple face à la montée des eaux du lac Nasser illustre parfaitement la détermination internationale pour préserver ce patrimoine exceptionnel. Ainsi, cette prouesse technique et logistique, mobilisant 23 pays et des millions de dollars, a permis de transmettre aux générations futures ce joyau architectural dans son authenticité.
Le complexe de Philae, notamment à travers ses reliefs, ses colonnes et ses sanctuaires, raconte l’histoire fascinante du culte d’Isis et son influence durable sur la spiritualité méditerranéenne. Cependant, sa transformation progressive en lieu de culte chrétien souligne également la capacité du site à s’adapter aux évolutions religieuses tout en conservant sa sacralité.
Aujourd’hui, le temple d’Isis continue d’émerveiller les visiteurs sur l’île d’Aguilkia, témoignant de la grandeur de la civilisation égyptienne et de la capacité humaine à préserver son héritage culturel face aux défis du temps et des éléments.
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