Momie richement décorée, image mise en avant - la momification dans l'Égypte ancienne

La Momification dans l’Égypte Ancienne : La Quête de l’Immortalité

      La momification dans l’Égypte ancienne représente un aspect fondamental de la culture et de la religion égyptiennes, reflétant la profonde croyance en la continuité de la vie après la mort. En effet, cette pratique ancestrale, qui s’est développée au fil des dynasties, vise à préserver le corps humain, considéré comme un véhicule pour l’âme dans l’au-delà. La préservation des corps des défunts a été effectivement perçue comme une nécessité pour assurer leur éternité et leur confort dans l’autre monde.

Le processus de momification est extrêmement minutieux et complexe, ce qui implique une série de rituels et de soins. Les Égyptiens croient en effet que le corps doit rester intact pour que l’âme puisse s’épanouir dans l’au-delà. Ainsi, chaque étape de la momification est imprégnée de significations religieuses; les techniques employées, telles que l’éviscération et l’utilisation de résines, ont toutes une signification symbolique liée à la purification et à la protection des restes. De plus, les anciens Égyptiens prennent soin de préparer les dépouilles pour leur voyage dans l’au-delà, les entourant de divers objets personnels et de provisions, afin d’assurer leur bien-être dans l’autre monde.

Sommaire:

  • L’origine mythique de la momification
  • L’art délicat de la préservation corporelle
  • Une liturgie réservée aux initiés
  • Au-delà de l’humain : la momification des animaux sacrés
  • La redécouverte des trésors enfouis
  • Perpétuer un héritage millénaire
  • La momification en quelques mots

L’origine mythique de la momification

      Aux temps immémoriaux de l’Égypte pharaonique, la momification est bien plus qu’une simple pratique funéraire – elle incarne l’aspiration transcendantale de l’humanité à l’immortalité. Ainsi, selon la légende fondatrice, le dieu Osiris, souverain éclairé, est victime d’un complot orchestré par son frère Seth, l’incarnation du chaos. Alors, démembré et dispersé à travers le royaume, Osiris est rassemblé par sa dévouée épouse Isis qui, avec l’aide du dieu Anubis, parvint à le momifier et à lui insuffler une nouvelle vie éternelle. De ce fait nait le rituel de la momification, clé de la survie dans l’au-delà.

Le lien sacré entre corps et âme

      Pour les anciens Égyptiens, la mort physique n’est qu’une transition, un passage obligé vers une nouvelle existence métaphysique. Toutefois, cette transfiguration exige une condition sine qua non: la préservation intacte du corps terrestre. Selon leurs croyances, l’âme est constituée de trois éléments immatériels – le ba (la personnalité), le ka (l’énergie vitale) et l’ânkh (le souffle de vie). Pour que ces essences puissent effectivement se réincarner dans l’éternité, le support corporel doit demeurer intact, prêt à les accueillir.

Une quête transcendant les classes sociales

      Bien que la momification soit initialement réservée aux élites, cette quête de l’immortalité finit par transcender les barrières sociales. Ainsi, au fil des siècles, des techniques simplifiées se répandent, permettant à toutes les couches de la société d’aspirer à une vie après la mort. Car pour les Égyptiens, l’accès à l’au-delà n’est pas une question de rang ou de richesse, mais de pureté d’âme et de conduite vertueuse, symbolisée par la fameuse pesée du cœur lors du jugement d’Osiris.

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L’art délicat de la préservation corporelle

Étape de la momification dans l'Égypte ancienne schématisée
Processus de la momification dans l’Égypte ancienne – AdobeStock.

      La momification égyptienne vise un double objectif: lutter contre la putréfaction naturelle du cadavre tout en favorisant sa dessiccation (assèchement du corps), condition essentielle à sa conservation pérenne. C’est ainsi un véritable défi, qui donne naissance à un ensemble de techniques d’une complexité et d’une minutie remarquables.

La purification initiale

      Dès le décès, le corps subit un rituel de purification par l’eau sacrée et la fumigation à la résine de térébinthe. Cette étape inaugurale, empreinte de symbolisme, prépare ainsi la dépouille à son voyage vers l’éternité.

L’excérébration : extraire l’essence de la vie

      Jugé vulnérable à la décomposition, le cerveau est systématiquement extrait lors du processus d’embaumement. On y procède par les narines, les embaumeurs introduisent ainsi un crochet métallique chauffé à blanc, brisant l’ethmoïde et réduisant la masse cérébrale en bouillie avant de la faire s’écouler. L’espace ainsi libéré est alors comblé par des résines, gommes et charbons végétaux, destinés à parfaire la conservation.

L’éviscération : prévenir la corruption intestinale
Couteau d'embaumeur en bronze oxydé de forme recourbé
Couteau de l’embaumeur Minmésout, bronze, Nouvel Empire, 1550-1069 av. J.-C. le Louvre, France

      L’éviscération, pierre angulaire de la momification, vise à extraire les organes les plus prompts à la putréfaction, à commencer par les viscères abdominales.

Deux méthodes prévalent:

  • L’injection anale de substances accélérant la liquéfaction des entrailles, facilitant leur évacuation ultérieure.
  • L’ouverture du flanc gauche et l’extraction minutieuse des organes, soigneusement traités et déposés dans les vases canopes protecteurs.

Seul le cœur, siège vénéré de l’âme et de la conscience, demeure à sa place d’origine, parfois orné d’un scarabée symbolique.

Ensemble des 4 vases canopes de teinte blanche
Vases canopes en calcaire peint, 900-800 av. J.-C. troisième période intermédiaire – Walters Art Museum, USA, Wikimédia.
Le bain purificateur du natron
Corps entouré de pochons de natron durant le processus de momification généré par IA
Corps entouré de pochons de natron durant le processus de momification généré par IA

      Éviscéré, le corps bénéficie alors d’un long bain de natron, ce mélange naturel de sels de sodium aux propriétés déshydratantes et savonifiantes. Ainsi, pendant des semaines, les chairs sont recouvertes de cristaux de natron, attirant l’humidité résiduelle et favorisant une dessiccation optimale. Un processus délicat qui ramène la masse corporelle à 20% de son poids originel.

La régénération par l’eau

      Après cette étape cruciale de dessiccation, le corps momifié reçoit un second lavage rituel, qui symbolise sa régénération à l’image du dieu solaire Rê émergeant des eaux primordiales. Un geste effectivement chargé de sens, qui précède l’onction finale aux baumes et huiles aromatiques, qui rendent au corps sa souplesse d’antan.

L’emmaillotage protecteur
2 Prêtres procède au bandelettage d'un corps lors du processus de momification généré par IA
Bandelettage d’un corps lors du processus de momification généré par IA

      Ultime barrière contre les assauts de l’environnement, le bandelettage est une opération d’une importance capitale. Ainsi, sous la supervision des prêtres, les embaumeurs enveloppent méticuleusement la momie dans de multiples couches de lin imprégné de résines, cires, gommes et tanins, formant une carapace étanche et imputrescible. De plus, entre ces linceuls successifs sont soigneusement insérées les amulettes protectrices, parant le défunt pour son pèlerinage vers l’éternité.

Les derniers soins de beauté

      Pour parfaire l’œuvre, les momies bénéficient de véritables soins de beauté post-mortem. En effet, le visage est souvent recouvert d’un masque funéraire ou enduit de peintures dorées, rendant au défunt sa jeunesse perdue. Puis, les pieds sont chaussés de sandales rituelles, les doigts parés d’étuis protecteurs en or. En définitive, chaque détail est pensé pour assurer au mort la plénitude de ses facultés dans l’au-delà.

Une liturgie réservée aux initiés

      La complexité du processus de momification exige un savoir-faire unique, jalousement préservé par des corporations d’embaumeurs hautement qualifiés. Ainsi, chaque étape, des incisions inaugurales au bandelettage final, est réalisée dans un ordre immuable par ces artisans de l’éternité.

Les maîtres de la momification

      Au sommet de cette hiérarchie sacrée trônent les « Outyou », les « poseurs de bandelettes », superviseurs de la momification. Assistés des « paraschistes » (inciseurs du corps), des « taricheutes » (spécialistes des baumes et onguents) et des « coachytes » (officiant des libations), ils œuvrent dans le plus grand secret, perpétuant un art aussi vieux que les pyramides.

Un rituel cadencé par le temps

      Loin d’être un simple geste technique, la momification est une véritable liturgie, rythmée par des formules incantatoires et des gestes codifiés. Ainsi, chaque phase, de la déshydratation au bandelettage, doit s’accomplir selon un calendrier précis, idéalement sur une période de 70 jours – soit 7 décades, nombre symbole de perfection.

L’ouverture de la bouche : clé de la nouvelle vie

      Point culminant du rituel, la cérémonie de « l’Ouverture de la Bouche » parachève le processus de momification. À l’aide d’outils sacrés tels que la herminette ou le serpent « ourthekaou », le prêtre « setem » rend effectivement opérationnels les sept orifices du visage, permettant au défunt de recouvrer l’usage de ses sens dans l’au-delà.

Au-delà de l’humain : la momification des animaux sacrés

      Si la momification humaine est la plus connue, les Égyptiens vouent également un culte aux animaux, considérés comme des incarnations divines. Dès lors, chats, taureaux, lions, crocodiles et hérons se voient conférer l’honneur d’une momification soignée, afin de rejoindre le règne éternel des dieux auxquels ils sont associés.

Le culte bovin d’Apis

      Parmi ces créatures sacrées, le taureau Apis occupe une place de choix. Effectivement, vénéré comme l’incarnation vivante du dieu Ptah, tout spécimen arborant les marques distinctives fait l’objet d’un culte fervent de son vivant, puis d’une momification d’apparat à sa mort. De plus, des nécropoles entières, telle celle de Saqqarah, abritent les dépouilles embaumées de ces taureaux divinisés.

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APIS, Divinité Égyptienne

Les chats, gardiens de l’éternité
Chat momifié  emmailloté de bandelettes roses et blanches
Chat momifié, période tardive, période ptomémaïque, Musée de Sharm El Sheikh, Saqqarah

      Familiers des foyers comme des temples, les chats jouissent d’un statut tout aussi privilégié aux yeux des anciens Égyptiens. Ainsi, associés à la déesse Bastet, protectrice du foyer, ces félins reçoivent les honneurs de la momification, parfois même de somptueux sarcophages ornés à leur effigie. Des millions de cadavres de chats momifiés ont été effectivement retrouvés, témoignant de cette vénération séculaire.

Une ménagerie immortelle

Première photo: Momie de faucon, matières organiques, étoffes, 664-332 av. J.-C. (Basse Époque), le Louvre, France

Seconde photo: Momie d’ibis, matières organiques, lin, 664-332 av. J.-C. (Basse époque), le Louvre, France

      Au-delà des chats et des taureaux, de nombreuses autres espèces animales bénéficient du rite de la momification, formant une véritable arche de Noé de l’éternité. Ainsi, ibis, faucons, serpents, crocodiles… Chacun de ces êtres, lié à une divinité tutélaire, voit ainsi son âme préservée, prête à accompagner son dieu de tutelle dans l’au-delà.

La redécouverte des trésors enfouis

      Pendant des siècles, les nécropoles égyptiennes, véritables nécropoles de l’immortalité, demeurent scellées, leurs richesses à l’abri des regards indiscrets. Toutefois, ce n’est qu’à partir de la Renaissance que la quête des momies, portée par une soif insatiable de connaissances, s’intensifie réellement.

Les pionniers de l’égyptologie

      Dès le XVIe siècle, les premiers explorateurs, tels que le Vénitien Pietro Della Valle, commencent à rapporter des momies en Europe, éveillant la curiosité des érudits. Mais c’est véritablement au XIXe siècle, sous l’impulsion de pionniers comme l’égyptologue Jean-François Champollion, que l’étude scientifique des momies prend son essor.

Le trafic sordide des momies

      Malheureusement, cette soif de connaissance s’accompagne bien souvent de pratiques peu scrupuleuses. En effet, des momies par milliers sont pillées, démantelées, voire broyées pour servir d’ingrédients médicinaux ou d’engrais. Un véritable trafic sordide, qui ne prend toutefois fin qu’au XXe siècle grâce à une réglementation plus stricte.

L’ère des analyses scientifiques

      Avec l’avènement des techniques modernes d’imagerie médicale comme les rayons X et l’IRM, l’étude des momies connait un tournant décisif. Désormais, il devient possible d’en percer les secrets sans les endommager, ouvrant la voie à des découvertes inédites sur la vie des anciens Égyptiens, leurs us et coutumes, mais aussi leurs pathologies.

Perpétuer un héritage millénaire

Momie richement décoré dans une vitrine au Louvre
Momie recouverte de ses «cartonnages», lin, tissus de lins et peints (« cartonnages »), époque ptolémaïque, IIIe-IIe siècle av. J.-C. le Louvre, France

      Aujourd’hui, la momification n’est plus qu’un lointain écho du passé. Mais son héritage, riche d’enseignements sur notre condition humaine, demeure une source intarissable de fascination et d’inspiration pour les générations présentes et à venir.

Conserver l’intégrité des vestiges

      Face à la fragilité des momies rescapées, conservateurs et archéologues se sont attelés à développer des techniques toujours plus sophistiquées pour préserver ces témoins d’un temps révolu. De l’anoxie aux chambres climatisées en passant par les procédés high-techs de séchage, tout est mis en œuvre pour que ces reliques ne sombrent pas dans l’oubli.

Transmettre le flambeau du savoir

      Au-delà de la conservation physique, la véritable pérennité de la momification réside dans la transmission de son riche patrimoine culturel et scientifique. Ainsi, à travers des expositions, des publications et des programmes éducatifs, ce pan crucial de l’histoire humaine continue d’être exploré, disséqué et partagé, nourrissant notre compréhension de nos origines et de notre destinée ultime.

Une source d’inspiration intemporelle

      Mais la momification ne se cantonne pas aux sphères académiques. En effet, son aura mystique, son symbolisme puissant et ses prouesses techniques en font aussi une source intarissable d’inspiration pour les arts, des écrits de Théophile Gautier aux toiles de Salvador Dali en passant par le cinéma de Shadi Abdel Salam. Une influence durable, qui témoigne effectivement de l’empreinte indélébile laissée par ces artisans de l’éternité sur l’imaginaire collectif.

La momification en quelques mots

      En somme, cette pratique antique n’est pas qu’un simple rite funéraire pour les anciens Égyptiens. C’est un acte fondateur, une quête existentielle qui vise à transcender les limites de la condition mortelle. Un défi que ces bâtisseurs de pyramides ont alors relevé avec un génie et une détermination qui continuent d’émerveiller l’humanité, des millénaires plus tard. Car en perpétuant le souvenir de ces pratiques séculaires, c’est un peu de notre propre éternité que nous embrassons.

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