La cité légendaire est désertée seulement 200 ans après le règne de Ramsès II, son fondateur, environ 1000 ans avant notre ère. Cependant, la cité de Pi-Ramsès resplendit comme l’un des plus grands centres urbains de l’Égypte ancienne. Ainsi, elle est surnommée la «Ville Turquoise» pour ses portes et fenêtres encadrées d’un bleu lapis-lazuli éclatant. Par ailleurs, cette capitale prospère témoigne de la puissance et de l’ambition visionnaire de son fondateur. Explorons les fastes de cette métropole légendaire, bâtie à l’emplacement de l’actuelle Qantir, qui atteint son apogée durant la XIXe dynastie.
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Sommaire :
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Choix stratégique de l’emplacement de Pi-Ramsès
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Une cité fluviale prospère
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Quartiers et aménagements urbains de Pi-Ramsès
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Un complexe militaro-industriel pharaonique
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La magnificence architecturale inégalée de Pi-Ramsès
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Gloire et déclin d’une capitale éphémère
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Pi-Ramsès: une métropole rayonnante
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Avaris, l’ancêtre légendaire de Pi-Ramsès
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Les secrets enfouis de Qantir
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Le destin de Pi-Ramsès façonné par le Nil
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Une capitale dédiée à l’effort de guerre
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L’héritage architectural de Pi-Ramsès disséminé
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Un legs controversé: Pi-Ramsès et l’exode biblique
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Pi-Ramsès en quelques mots…
Choix stratégique de l’emplacement de Pi-Ramsès
Les sources antiques qui mentionnent la cité
D’après les textes, Pi-Ramsès était une ville trépidante, une ville magnifique, avec des palais et des jardins. Les seules traces de la cité perdue qui nous soient parvenues sont dans les textes anciens. Voici la transcription d’un manuscrit ancien rédigé sur papyrus:
“Hymne à Pi-Ramsès”
“en sa partie occidentale se trouvait la maison d’Amon et en partie australe la maison de Seth.”
Ce qui laisse à penser que ces deux temples étaient au cœur de la cité.
Le plan de Pi-Ramsès
Le choix de l’emplacement de Pi-Ramsès n’est nullement le fruit du hasard, mais bien une décision réfléchie répondant à des impératifs multiples. Découvrons les facteurs qui ont déterminés le pharaon Ramsès II à déplacer la cour royale dans le riche delta du Nil:
- Berceau dynastique: La région d’Avaris, où s’élève autrefois la capitale des Hyksôs, est le fief ancestral des Ramessides. Non seulement Séthi Ier, père de Ramsès II, y a fait édifier un somptueux palais, mais un sanctuaire dédié à Seth, divinité dynastique, s’y dresse déjà.
- Contrebalancer l’influence thébaine: Après les troubles de la XVIIIe dynastie et l’épisode amarnien, le clergé thébain d’Amon a vu son emprise se renforcer. Ainsi Ramsès II établit sa nouvelle capitale loin de Thèbes, celui-ci cherche à s’affranchir de cette influence grandissante.
- Proximité des théâtres d’opérations: Les campagnes militaires incessantes contre les Hittites au Levant nécessitent un point de départ stratégique proche des zones de conflit. Thoutmôsis III a déjà compris l’importance du site en y érigeant un palais fortifié.
- Promotion du culte royal: En se divinisant de son vivant, Ramsès II inaugure une synthèse du pouvoir spirituel et temporel. Ainsi, Pi-Ramsès, avec ses temples dédiés aux grands dieux et au culte pharaonique, devient le théâtre idéal de cette nouvelle dynamique religieuse.
Une cité fluviale prospère
Celle-ci s’étend sur une vaste superficie de 15 km² et abrite une population estimée à 300 000 âmes. Ainsi, Pi-Ramsès s’élève telle une Venise égyptienne, ceinturée par les bras sinueux de la branche pélusiaque du Nil. De plus, cette situation privilégiée, au cœur des réseaux commerciaux et des voies de communication, confère à la cité une prospérité sans précédent.
Lors des crues annuelles, les différents îlots artificiels (geziras) sur lesquels elle est bâtie se muent en une myriade d’îles éparses au milieu d’un vaste lac tourbillonnant. Ainsi, un réseau sophistiqué de canaux permet alors aux habitants de se déplacer aisément en barque à travers la ville.
Quartiers et aménagements urbains de Pi-Ramsès
Les témoignages antiques dépeignent une cité foisonnante, rythmée par le va-et-vient incessant des embarcations sur les canaux. Des textes évoquent notamment:
- Le quartier royal et ses somptueux palais, au cœur de la partie occidentale.
- Les casernes militaires, manufactures d’armes et terrains d’entraînement au sud, près du temple de Seth.
- Les quartiers résidentiels denses à l’est et au nord, autour des temples d’Astarté et de Wadjet.
Au cœur de cette trame urbaine complexe se dressent quatre imposants temples, véritables points d’ancrage de la cité:
- Le temple d’Amon-Rê-Horakhty-Atoum à l’ouest, dédié au dieu créateur suprême.
- Le temple de Seth au sud, divinité dynastique et protectrice des armées.
- Le temple d’Astarté à l’est, déesse phénicienne associée à Seth.
- Le temple de Wadjet au nord, antique divinité tutélaire de la Basse-Égypte.
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Un complexe militaro-industriel pharaonique
Au-delà de sa splendeur architecturale, Pi-Ramsès est avant tout une puissante machine de guerre, fer de lance des conquêtes ramessides. En effet, les préparatifs de la célèbre bataille de Qadech, en l’an 5 du règne de Ramsès II, illustrent l’ampleur des capacités industrielles et logistiques de la cité.
Dans les vastes fonderies, des centaines d’ouvriers s’activent jour et nuit à couler du bronze en fusion pour fabriquer armes, boucliers et épées destinés aux troupes pharaoniques. De plus, les immenses complexes d’écuries, pouvant accueillir jusqu’à 460 montures, abritent les fiers destriers attelés aux redoutables chars de guerre égyptiens.
Un véritable arsenal humain et matériel est ainsi mobilisé depuis Pi-Ramsès pour permettre à Ramsès II de mener l’une des plus grandes offensives militaires de l’Antiquité. Ainsi, quelques 20 000 fantassins et 6 000 chars y sont engagés.
La magnificence architecturale inégalée de Pi-Ramsès
Ramsès II est le pharaon qui nous a laissé le plus de monuments qui sont bien sûr marqués de son cartouche qui signifie “Ramsès aimé du dieu Amon”.
Si les vestiges de Pi-Ramsès demeurent enfouis sous les champs fertiles du delta, les descriptions antiques témoignent de la splendeur éblouissante qui fut celle de la capitale ramesside. En effet, des inscriptions vantent ainsi:
« Sa Majesté s’est fait construire une Résidence dont le nom est ‘Grande des Victoires’. Elle suit le modèle de Thèbes de Haute-Égypte et sa durée est semblable à celle de Memphis. »
Photo ci-contre: Buste de Ramsès II à Tanis, Égypte – AdobeStock
Au cœur de la ville s’élève le palais royal, véritable temple dédié au culte du pharaon divinisé. Par ailleurs, ses dimensions colossales, avec une enceinte de 500 mètres de côté, en font l’un des plus vastes complexes palatins de l’époque.
Les temples ne sont pas en reste, à l’image du sanctuaire d’Amon dont les ruines suggèrent des proportions comparables au célèbre Ramesséum de Louxor. Quant aux colosses de Ramsès II, certains dépassent les 10 mètres de hauteur, imprimant durablement dans le paysage l’aura du souverain.
Gloire et déclin d’une capitale éphémère
Bien que destinée à « durer autant que Memphis » selon les inscriptions, Pi-Ramsès ne survit guère à la fin de la XXe dynastie. En effet, elle est désertée un siècle à peine après son apogée sous Ramsès II. Ainsi, le déclin de cette cité artificielle, totalement tributaire du Nil, est précipité par un changement de cours et de l’ensablement de la branche pélusiaque qui l’alimente.
Privée de son accès fluvial vital, Pi-Ramsès s’éteint lentement, supplantée par la nouvelle capitale de Tanis érigée quelques 20 km plus au nord. Ainsi, dans un geste symbolique, les pharaons de la XXIe dynastie font même déplacer à Tanis les colosses, obélisques et blocs décorés de Pi-Ramsès, réemployant ses dépouilles pour parer leur cité naissante.
Ce dépeçage méthodique, auquel on peut ajouter les pillages ultérieurs, explique l’état de délabrement avancé du site à l’époque moderne. En effet, longtemps oubliée des archéologues qui la cherchèrent en vain, la cité légendaire ne révèle son emplacement qu’au XXe siècle, après de patientes fouilles et prospections géophysiques.
Pi-Ramsès: une métropole rayonnante
Bien avant de devenir la capitale flamboyante des Ramessides, le site de Pi-Ramsès a déjà connu les prémices d’un développement urbain d’envergure. Ainsi, dès le Nouvel Empire, sous la XVIIIe dynastie, de somptueux palais s’y élèvent, ce qui annonce la future grandeur de la cité.
L’un des plus remarquables est le palais « G », vaste complexe palatial érigé sous Thoutmôsis III. Celui-ci est protégé des inondations par d’imposantes fondations surélevées. De plus, il déploie ses vastes salles d’apparat sur plus de 1600 m² de superficie.
Une découverte spectaculaire dans les ruines de ce palais a particulièrement défrayé la chronique: celle de fresques minoennes ornant les murs, témoignage insoupçonné des contacts artistiques avec la lointaine Crète à cette époque reculée.
Avaris, l’ancêtre légendaire de Pi-Ramsès
Avant même l’érection des palais thoutmosides, le site de Pi-Ramsès a déjà acquis une dimension symbolique. En effet, il abrite l’antique cité d’Avaris, capitale des Hyksôs durant la Deuxième Période Intermédiaire.
Cette mystérieuse dynastie d’origine asiatique, qui règne brièvement sur la Basse-Égypte, a fait d’Avaris un puissant centre économique et militaire. Cependant la victoire décisive d’Ahmôsis Ier sur les Hyksôs, vers 1550 av. J.-C., marque le début du Nouvel Empire. Ce qui confère à Avaris un prestige particulier.
En choisissant d’édifier sa nouvelle capitale à proximité, Ramsès II s’inscrit délibérément dans la lignée de ce haut lieu historique. Ainsi, cette association permet à Pi-Ramsès d’acquérir d’emblée un lustre supplémentaire. Qui plus est en perpétuant le culte ancien de Seth, divinité tutélaire d’Avaris.
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Les secrets enfouis de Qantir
Pendant des siècles, les vestiges de la cité disparue de Pi-Ramsès demeurent enfouis sous les riches terres cultivées du delta oriental, à l’emplacement du village moderne de Qantir. Cependant, ce n’est qu’au XXe siècle que les premières campagnes de fouilles systématiques, menées par l’égyptologue autrichien Manfred Bietak, permettent d’en retrouver la trace.
Les prospections géophysiques révèlent l’étendue insoupçonnée du site. En effet, avec ses fondations de temples, palais et résidences qui s’étendent sur près de 20 km². Puis, au fil des décennies, les archéologues mettent au jour les restes d’écuries monumentales, d’ateliers de bronziers et d’une véritable cité ouvrière dédiée à la production d’armements.
Parmi les découvertes les plus spectaculaires figurent les soubassements d’un gigantesque complexe aux dimensions semblables au Ramesséum de Louxor. Nul doute que ce vaste ensemble de 30 sur 100 mètres n’est autre que le palais même de Ramsès II, cœur battant de sa capitale fluviale.
Le destin de Pi-Ramsès façonné par le Nil
Si Pi-Ramsès prospère un temps comme l’une des plus grandes métropoles d’Égypte, elle le doit avant tout à sa situation privilégiée au bord du Nil. Celui est l’artère nourricière de la civilisation pharaonique. De plus, les bras mouvants de la branche pélusiaque déterminent son implantation, son développement… et sa chute.
À ses heures de gloire, le site insulaire de la cité offre en effet un réseau de voies navigables idéales pour le commerce et les déplacements. Mais lorsque le fleuve capricieux se détourne de son cours séculaire, Pi-Ramsès se retrouve coupée de sa source de vie.
Incapables de s’adapter à ce bouleversement environnemental majeur, ses habitants n’ont d’autre choix que d’abandonner la cité. Ceux-ci se replient alors vers Tanis, nouvelle capitale érigée sur un bras encore en eau du Nil. En définitive, ce déclin rapide illustre la totale dépendance des grandes cités antiques à l’égard du cycle fluvial nourricier.
Une capitale dédiée à l’effort de guerre
Au-delà des splendeurs palatines et religieuses, Pi-Ramsès se distingue surtout par son rôle de plaque tournante militaro-industrielle au service des ambitions conquérantes du pharaon. Une grande partie de la ville est ainsi dévolue à la production d’armements à grande échelle.
Les fouilles ont mis au jour les vestiges d’immenses ateliers métallurgiques où s’activent des centaines d’ouvriers. Ce jour et nuit, il y est fondu du bronze pour couler épées, pointes de flèche et pièces d’armures. Ainsi, des fours à très hautes températures, attisés par des soufflets géants, permettent d’atteindre les points de fusion requis.
Ces infrastructures de pointe témoignent des capacités logistiques hors normes de Pi-Ramsès. Celle-ci abrite un véritable arsenal industriel dédié à la production de masse d’armements destinés aux campagnes militaires incessantes du pharaon bâtisseur. Cette concentration sans précédent des moyens de guerre illustre l’importance vitale que revêt Pi-Ramsès aux yeux de Ramsès II. La cité est à la fois capitale civile et poumon industriel de son empire.
L’héritage architectural de Pi-Ramsès disséminé
Bien que le site même de Pi-Ramsès ait sombré dans l’oubli après son abandon, l’héritage monumental de la cité rayonna dans tout le delta du Nil. En effet, il est mis en place systématiquement un phénomène de récupération de ses pierres de construction. Ainsi, dès le XIe siècle av. J.-C., les nouveaux souverains de Tanis n’hésitent pas à faire dépecer les temples, palais et colosses de l’ancienne capitale pour orner leur ville naissante.
Ce véritable chantier de déménagement architectural permet la réutilisation de blocs décorés, obélisques et statues monumentales issues de Pi-Ramsès. Ainsi, de nombreux vestiges remarquables portant le cartouche de Ramsès II, aujourd’hui disséminés sur divers sites du delta comme Tanis ou Bubastis, proviennent ainsi très probablement des ruines de sa capitale éponyme.
Ce pillage méthodique, s’il priva Pi-Ramsès de son lustre originel, permet néanmoins la préservation d’une partie de son patrimoine architectural exceptionnel. En effet, les spécimens les plus emblématiques, tels que les célèbres obélisques de Tanis, constituent aujourd’hui des témoins muets mais éloquents de la grandeur passée de la « Ville Turquoise ».
Un legs controversé: Pi-Ramsès et l’exode biblique
Parmi les nombreuses énigmes entourant l’ancienne capitale ramesside figure son éventuel rôle dans l’Exode biblique. Celui-ci est un événement fondateur du judaïsme et du christianisme. Ainsi, certains passages de la Bible situent explicitement le départ des Hébreux depuis une cité nommée « Ramsès », qu’une tradition tenace a longtemps identifiée à la métropole pharaonique éponyme.
Cette théorie soulève cependant de sérieuses objections au sein de la communauté scientifique. D’une part, les archives exhaustives de l’époque ramesside ne mentionnent nulle part la présence d’une importante communauté hébraïque en Égypte. D’autre part, l’utilisation du nom « Ramsès » dans les textes bibliques pourrait bien être un anachronisme. En effet, la Bible projette rétrospectivement cette appellation sur un site antérieur.
Quelles que soient les réalités historiques sous-jacentes, cette association a durablement nourri l’imaginaire collectif. Ce qui confère à Pi-Ramsès une aura quasi-mythique de théâtre des événements fondateurs du monothéisme. En définitive, cette légende tenace a, quel que soit son degré de véracité, perpétuée le souvenir de cette cité disparue.
Pi-Ramsès en quelques mots…
Au-delà de sa dimension politico-militaire, Pi-Ramsès rayonne comme un carrefour cosmopolite où se côtoient les influences des grandes civilisations riveraines de la Méditerranée orientale. Ainsi, de sa situation stratégique, à la charnière entre l’Égypte et le Proche-Orient ancien, en fait un point de rencontre privilégié entre les grands courants culturels de l’époque.
Cette ouverture se reflète jusque dans l’art et l’architecture de la cité, comme en témoignent les célèbres fresques minoennes ornant les palais de la XVIIIe dynastie. De plus, ce métissage stylistique des plus surprenants, rappelle les liens économiques et diplomatiques entretenus par l’Égypte avec la lointaine Crète à l’époque.
Le choix même de Ramsès II de dédier des temples aux divinités phéniciennes comme Astarté, aux côtés des grands dieux égyptiens, illustre cette volonté d’intégration des influences extérieures au cœur de sa capitale cosmopolite. En effet, Ramsès II a été soucieux d’affirmer la prééminence de l’Égypte sur la scène régionale.
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