L’époque hellénistique s’étend de la mort d’Alexandre le Grand en 323 avant notre ère jusqu’à la conquête romaine de l’Égypte en 30 avant notre ère. Elle fut une période de grands bouleversements politiques et culturels. Dans ce contexte les sciences connurent une évolution significative grâce à de grands savants et découvreurs.
D’abord l’expansion de l’empire d’Alexandre favorisa la diffusion des connaissances et des cultures entre les différentes régions conquises, la Grèce, l’Égypte, la Perse et l’Inde. Ensuite, de nouveaux centres intellectuels émergèrent, dont Alexandrie qui devint un formidable foyer de refondation intellectuelle. Enfin, l’époque fut marquée par une remise en question des croyances traditionnelles.
Pour autant une tradition historique a tendance à minimiser l’importance de cette époque dans le fait scientifique. Certains historiens considèrent même que tout le travail aurait été fait dans les trois siècles précédents par Pythagore, Thalès ou Hippocrate. Mais les interprétations récentes conduisent certains chercheurs à affirmer que la méthode scientifique serait en réalité née au IIIe siècle avant notre ère. Néanmoins, ce savoir aurait été largement oublié pendant la période romaine et seulement pleinement rétabli pendant la Renaissance.
Sommaire
1 – Philosophie
2 – Géographie
3 – Astronomie
4 – Mathématiques et mécanique
Présentation: Sciences et savants à l’époque hellénistique
Les savants profitèrent d’un climat propice aux échanges d’idées pour faire avancer les disciplines scientifiques. Ils apportèrent des contributions significatives dans de nombreux domaines, en tentant de dépasser les maîtres des périodes précédentes. Parmi les plus renommés nous pouvons citer Ératosthène, Euclide et Archimède. Ils sont à l’origine de grandes découvertes et de grandes inventions dont certaines sont passées dans la postérité.
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Sciences et savants à l’époque hellénistique, partie 1
1 – Philosophie:
Bien que la philosophie ne soit pas strictement une science, celle-ci a joué un rôle fondamental dans les avancées scientifiques de l’époque hellénistique. Citons d’abord l’Athénien Épicure, mort en 270 avant notre ère. Il fut le fondateur de l’une des plus importantes écoles philosophiques de l’Antiquité.
En physique, il se montrait radicalement matérialiste. Il soutenait que la Nature est composée de deux choses: la matière et le vide, qu’il appelait le «Tout». Dans la continuité du philosophe Démocrite, il disait que les corps sont des particules insécables (les atomes), soit des compositions de ces atomes.
Épicure mit également l’accent sur l’importance de la méthode scientifique dans l’étude de la Nature. De ce fait, il prônait l’observation attentive, l’expérimentation et la recherche rationnelle comme moyens de comprendre le fonctionnement du monde naturel. Selon lui, la connaissance scientifique devait être fondée sur les sensations et les perceptions des sens, plutôt que sur des forces surnaturelles. Épicure était un critique virulent des superstitions et des croyances irrationnelles qui, selon lui, causaient de la peur. Il encourageait ses disciples à rejeter les superstitions et à rechercher une compréhension rationnelle et naturelle du monde afin de cultiver la tranquillité d’esprit et le bonheur.
En définitive, cette définition de la réalité le pousse à conclure qu’une vie réussie provient avant tout de l’évitement de la douleur.
La philosophie stoïcienne
Au cours du IIIe siècle avant notre ère, Zénon de Kition (une cité de Chypre) fonda la philosophie stoïcienne. Il développa des idées sur la logique, l’éthique et la physique. Ces réflexions influencèrent largement les scientifiques de son temps et des générations ultérieures. Par ailleurs, il fut le maître du futur roi de Macédoine, Antigone II Gonatas. Ce dernier continua à correspondre avec le philosophe et demanda aux Athéniens de construire une sépulture digne de lui. Pour revenir au stoïcisme, il tire son nom de «stoa» qui désigne un portique, car les philosophes aimaient disserter à l’ombre d’un portique situé près de l’agora d’Athènes.
L’école stoïcienne plaçait le Bien dans la vertu. Et Zénon définissait la vertu comme la «conformité à la nature». Il divisait la science en trois grandes parties, vraisemblablement sur le modèle de l’Académie d’Aristote: la logique, la physique (ou sciences naturelles) et la morale. En physique, il considérait le feu comme l’élément primordial et la matière comme la seule réalité existante. Exception faite de quatre incorporels (le signifié, le temps, le lieu et le vide) qui selon lui ne jouent aucun rôle dans l’enchaînement de causalités constituant le monde.
Sciences et savants à l’époque hellénistique, partie 1
2 – Géographie:
Le mot «géographie» fut probablement inventé par Ératosthène. Grand érudit et directeur de la bibliothèque d’Alexandrie, celui-ci est vu comme le plus grand savant de son temps. Ses études géographiques portaient sur la répartition des océans et des continents, les vents, les zones climatiques et les altitudes des montagnes. Il laissa une carte de l’écoumène, c’est à dire les terres habitées, qui fut longtemps l’unique base de la géographie. Il divisait le monde en cinq zones climatiques en utilisant des lignes de latitude imaginaires.
Calcul de la circonférence de la Terre

De plus, Ératosthène est connu pour avoir calculé la circonférence de la Terre avec une remarquable précision. En effet, il avait remarqué qu’à midi le jour du solstice d’été, le Soleil était directement au zénith à Syène, aujourd’hui Assouan en Égypte. Cela signifiait que les rayons du Soleil tombaient à la verticale et ne créaient pas d’ombre pour les objets verticaux comme les poteaux. Ératosthène réalisa que si la Terre est une sphère, la différence d’angle entre la direction du Soleil à Alexandrie et à Syène serait égale à l’angle entre les deux villes. Cet angle fut mesuré à partir du centre de la Terre. Ératosthène connaissait la distance entre Alexandrie et Syène, qui était d’environ 800 kilomètres. Ainsi il mesura l’angle entre la direction du Soleil à Alexandrie et à Syène à midi le jour du solstice d’été.
En utilisant ces données, Ératosthène estima la circonférence de la Terre à environ 39375 kilomètres, soit une marge d’erreur de seulement 700 kilomètres sur la valeur définie de nos jours!
Un autre grand géographe, Strabon
Strabon vécut à la toute fin de la période hellénistique. Il est originaire du royaume du Pont en Anatolie. Né dans une famille illustre, il mourut vers 24 après J.-C. Il est connu pour son œuvre majeure intitulée Géographie, qui était une description détaillée du monde connu. Son travail était une somme de connaissances géographiques et ethnographiques de l’époque. Il combina également des informations provenant de sources antérieures ainsi que de ses propres observations tirées de ses nombreux voyages, notamment en Italie et en Égypte.
Sa Géographie était composée de 17 livres, dont seulement les livres 1 à 7 et une partie du livre 8 ont survécu. Dans son œuvre, Strabon décrivait les différentes régions du monde telles qu’il les connaissait. Il donna également des informations sur la géographie, la topographie, la climatologie, la géologie, l’histoire, la culture, les coutumes et les populations. Par la suite, ses descriptions furent été utilisées par d’autres géographes et historiens de l’Antiquité. Celles-ci continuèrent d’être une source d’informations précieuse pour les chercheurs modernes.
Un savant complet, Posidonios
Posidinios d’Apamée, qui vécut au Ier siècle avant notre ère, était à la fois philosophe, astronome, géographe et historien. Il fonda une école à Rhodes. La renommée de son enseignement attira des auditeurs célèbres tels que Cicéron et Pompée. Par ailleurs, ses liens étroits avec le pouvoir romain lui permirent de voyager dans tout l’Empire.
En dehors de ses nombreux travaux en astronomie, en mathématiques ou en histoire, il visita de nombreuses régions, dont la Gaule, l’Espagne, l’Italie, la Sicile, la Syrie et l’Égypte. Ainsi il écrivit de nombreux ouvrages sur ses observations et ses recherches. Il pratiquait une géographie descriptive et raisonnée, ordonnée selon les subdivisions de la Terre: zones, continents, pays, provinces, villes. Chaque élément est présenté d’après sa situation, son relief, son réseau hydrographique, ses ressources.
3 – Astronomie:
Ératosthène, un grand astronome
Les astronomes hellénistiques apportèrent des avancées significatives dans la compréhension du cosmos. Parmi ses grands astronomes, se distingue d’abord Aristarque de Samos qui mourut vers 230 avant notre ère. Celui-ci eut l’intuition du mouvement de la Terre sur elle-même et autour du Soleil. Archimède, qui fut son contemporain, donna la description de cette théorie héliocentrique.
Aristarque s’intéressait également aux distances cosmiques. Il déduisit que le Soleil, ayant approximativement le même diamètre apparent que la Lune, avait un diamètre réel 19 fois plus grand que la Lune. En réalité le Soleil est 400 fois plus grand que la Lune. Il tenta aussi de mesurer la distance entre la Terre et le Soleil en utilisant des méthodes géométriques et trigonométriques avancées pour son époque. Ses travaux étaient révolutionnaires pour son temps. Cependant ses idées furent largement ignorées pendant des siècles. C’est notamment le cas Claude Ptolémée qui avançait une théorie géocentrique. Les idées d’Aristarque furent redécouvertes et confirmées par Copernic et Galilée.
L’un des astronomes les plus célèbres de cette époque fut Ératosthène dont nous avons parlé précédemment. En tant qu’astronome, il mit au point des tables d’éclipses et un catalogue astronomique de 736 étoiles. Celui-ci démontra l’inclinaison de l’écliptique sur l’équateur.
Son œuvre la plus conséquente est les Catastérismes. Cet ouvrage est formé de 44 notices, dont 42 chapitres sur les constellations, une traitant des planètes et une dernière de la voie lactée. Par ailleurs, à la bibliothèque d’Alexandrie, dont Ératosthène fut le directeur, se trouvait ce que les Romains appelleront plus tard une sphère armillaire. Cet objet servait à modéliser la sphère céleste dans un système géocentrique. Elle était utilisée pour montrer le mouvement apparent des étoiles, du Soleil et de l’écliptique autour de la Terre.
Hipparque, le compilateur d’étoiles

Hipparque fut un autre grand astronome. Originaire de Rhodes, il vécut au milieu du IIe siècle avant notre ère. Il utilisa les données astronomiques babyloniennes pour constituer le premier catalogue systématique des étoiles. Il répertoria environ 850 étoiles avec leur position et leur magnitude. Les étoiles les moins brillantes ont par exemple une magnitude élevée. Ce catalogue est devenu la base de la cartographie stellaire pendant près de 2000 ans.
En plus d’autres travaux sur les équinoxes et les orbites, Hipparque réalisa la première mesure raisonnablement précise de la distance entre la Lune et la Terre. Il y parvint en utilisant des observations d’éclipses lunaires. C’est peut-être ce catalogue d’étoiles qui servit de base pour situer la position des constellations représentées sur le globe porté par Atlas dans la célèbre statue dite Atlas Farnese.
La machine d’Anticythère
Voyons enfin la formidable machine d’Anticythère. Celle-ci est considérée comme le premier calculateur analogique permettant de calculer des positions astronomiques. Un seul exemplaire nous est parvenu. Ses fragments furent retrouvés en 1901 dans une épave près de l’île d’Anticythère, entre Cythère et la Crète. Celle-ci qui sombra vers 86 avant notre ère. Il s’agit d’une galère romaine probablement de retour après le pillage de Pergame. Cette machine en bronze est datée d’environ 100 avant notre ère et fut surement construite à Syracuse.
Ce calculateur analogique à 37 engrenages est le plus vieux mécanisme à engrenages connu. Il décrivait les mouvements solaires, lunaires et des planètes visibles à l’œil nu. De plus, il servait à prévoir les éclipses. La machine comptait plus de 2200 lettres grecques qui servaient de texte astronomique autant que de mode d’emploi. On estime que la première machine de ce type fut construite par Archimède. La machine d’Anticythère pourrait être une adaptation d’un globe en réduction reproduisant les mouvements conjoints des planètes mis au point par Posidonios. Elle est le plus bel exemple d’application mécanique des mathématiques de la Grèce antique. Il faudra attendre près d’un millénaire pour voir apparaître des mécanismes comparables grâce aux savants perses et arabes.

Sciences et savants à l’époque hellénistique, partie 1
4 – Mathématiques et mécanique:
Les mathématiciens de l’époque hellénistique réalisèrent d’importantes avancées. Le plus renommé d’entre eux est Euclide. Il vécut vers 300 avant notre ère mais très peu de choses sont connues sur sa vie. On sait juste qu’il enseigna à Alexandrie.
Il est considéré comme le père de la géométrie. Ses Éléments comprennent toute une collection de définitions et d’axiomes, ainsi que des théorèmes et des démonstrations sur les sujets de la géométrie et de la théorie des nombres primitifs. Cette œuvre fondamentale posa donc les bases de la géométrie. Elle fut utilisée comme manuel de référence pendant des siècles.
Son influence sur le développement de la logique et de la science occidentale est cruciale. Avec son approche rigoureuse et logique de la démonstration mathématique, il jeta les bases de la méthode axiomatique.
Par la suite, ses travaux influencèrent de nombreux mathématiciens et philosophes. Ils continuent d’être largement utilisés de nos jours. D’ailleurs les Éléments furent avec la Bible l’un des premiers livres imprimés au XVe siècle. La plus célèbre des fables le concernant rapporte qu’il aurait répondu à Ptolémée, qui souhaitait une voie plus facile que celles des Éléments, qu’il n’y a pas de voie royale en géométrie.

Archimède, inventeur de génie et mathématicien
L’autre grand mathématicien de la période est Archimède, un Grec de Sicile ayant vécu au IIIe siècle avant notre ère. Il développa des méthodes pour calculer la valeur approximative de pi. Il fit de plus des découvertes fondamentales dans le domaine de la statique et de l’hydrostatique.
Sa découverte la plus connue est le théorème appelé «poussée d’Archimède». On peut la résumer par cette formule: tout corps plongé dans un liquide subit une poussée verticale vers le haut égale au poids du volume de liquide déplacé. C’est en effet la fameuse anecdote qui lui fit dire «Euréka» («J’ai trouvé»), même si elle est probablement légendaire.
Archimède aurait prononcé cet «Euréka» en courant nu à travers les rues de Syracuse. Il venait en effet de trouver la solution à un problème posé par le tyran de la cité. Ce dernier voulait être certain qu’un orfèvre ne l’avait pas dupé en substituant de l’argent à une partie de l’or. Il demanda donc à Archimède de déterminer si cette couronne était effectivement constituée d’or pur. C’est dans sa baignoire qu’Archimède trouva la solution et sortit de chez lui en prononçant la célèbre formule.
Savant complet, il est aussi un ingénieur et un inventeur. Il participa à la conception du plus grand navire de l’Antiquité, le Syracusia, commandité par le tyran de Syracuse. De plus, il mit au point des machine de guerre, des machines de traction, des vis sans fins et des roues dentées, entre autres. Ses admirateurs furent nombreux dans l’histoire antique, parmi lesquels Cicéron qui redécouvrit sa tombe et Plutarque qui relata sa vie.

Autres inventions remarquables
Les autres développements technologiques de l’époque hellénistique comprennent principalement l’engrenage à dents, la poulie, la vis sans fin, le soufflage du verre, la fonte de bronze creux ou encore l’instrument de levée topographique. On peut aussi citer l’odomètre (un compteur de distance), le pantographe (un instrument de dessin qui permet de reproduire un motif à l’échelle exacte), l’horloge à eau, le moulin à eau, l’orgue à eau et la pompe à piston.
Un autre grand savant fut Héron d’Alexandrie. Sa datation varie beaucoup mais il aurait vécu au Ier siècle de notre ère. Héritier des grands savants alexandrins, il mit au point des machines précurseurs comme de la machine à vapeur moderne, des automates, des machines de levage et enfin des horloges.
Source principale : Dictionnaire de l’Antiquité, sous la direction de Jean LECLANT, PUF, 2003.
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