L’époque hellénistique (323-31 av. J.-C.) fut fertile en avancées intellectuelles et scientifiques. Les savants grecs, profitant d’une ère de changements et du contact avancé avec d’autres civilisations, continuèrent à élargir leurs connaissances. Ils laissèrent un héritage durable dans la médecine, l’ingénierie, la biologie et les voyages d’exploration.
Sommaire:
Sciences et savants à l’époque hellénistique, partie 2
5 – Médecine :
Hérophile
L’époque hellénistique fut marquée par des avancées remarquables dans le domaine de la médecine. Citons d’abord Hérophile, qui vécut au IIIe siècle avant notre ère. Il s’installa à Alexandrie où il fonda dans le Musée la première véritable école de médecine. Car jusque-là, les écoles de Cos ou de Cnide n’étaient que des regroupements de type familial de quelques disciples guidés par un maître. Dans cette ville nouvelle au climat intellectuel propice, il put lever le puissant tabou touchant les cadavres humains et pratiquer au grand jour la dissection des corps humains. Il est donc considéré comme le père des études anatomiques.
Photo ci-contre: Dieu grec Asclépios, dieu de la médecine
Citons ensuite Érasistrate
Érasistrate fut avec Hérophile le fondateur de l’École d’Alexandrie de médecine. Il était réputé pour ses connaissances en ophtalmologie et pour être un précurseur de la neurologie. La plupart de ses écrits nous sont connus par les commentaires qu’en firent ses héritiers, notamment Galien, le grand médecin du temps de l’Empire romain.
Quittant Alexandrie, Érasistrate fut un temps le médecin personnel de Séleucos. Une tradition rapporte qu’il fut appelé un jour auprès d’Antiochos, le fils aîné de Séleucos, qui était gravement malade. Après avoir observé que son pouls s’accélérait et que son visage rougissait lorsque sa belle-mère Stratonice entrait dans la pièce, il en déduisit qu’Antiochos souffrait en fait d’un amour impossible. De quoi en faire pour certains un pionnier de la psychothérapie.
Quoi qu’il en soit, Séleucos laissa Antiochos épouser Stratonice, mais probablement pour des raisons politiques au moment où son fils accédait à la corégence. À un âge avancé, Érasistrate quitta Alexandrie pour aller mourir à Samos. On prétend qu’il se suicida par l’ingestion de ciguë à cause d’un mal incurable, un ulcère du pied.
6 – Biologie :
Théophraste
Dans le domaine de la botanique on retiendra surtout les travaux de Théophraste, mort vers 288 avant notre ère. Il était à la fois philosophe, botaniste, naturaliste et alchimiste. Né sous le nom de Tyrtamos, c’est Aristote qui le surnomma Théophrastos, soit littéralement le «divin parleur». Directeur du Lycée d’Athènes, il mena en plus de ses travaux philosophiques des travaux fondamentaux en botanique.
Dans son Histoire des plantes, il réalisa une étude systématique des plantes et classifia les plantes en utilisant des critères tels que leur apparence, leur structure et leurs caractéristiques biologiques. Il réalisa des descriptions détaillées de plus de 500 espèces végétales et posa les bases de la classification des plantes pendant des siècles. Il y inclut des observations sur les animaux associés aux plantes, tels que les insectes et les oiseaux, ainsi que leurs interactions avec les plantes.
Dans Les causes des plantes, son autre ouvrage majeur, il exposa les causes biologiques du développement des plantes, y compris la germination, la croissance, la reproduction et la nutrition. Il aborda également des sujets tels que la morphologie végétale, la physiologie et l’écologie des plantes. Il s’intéressa aussi aux signes prédictifs dans la nature, tels que les signes de changements météorologiques, les signes de maladies chez les plantes et les animaux, ainsi que les signes annonciateurs de phénomènes naturels. Enfin, il étudia les observations empiriques et les croyances populaires liées à ces signes.

Démétrios de Phalère
Un autre grand érudit, Démétrios de Phalère, mort vers 282 avant notre ère, étudia quant à lui la zoologie. Ce personnage eut un destin hors du commun. Philosophe péripatéticien disciple d‘Aristote et de Théophraste, il fut gouverneur d’Athènes pendant 10 ans.
Il s’exila ensuite à Alexandrie où il participa à la fondation de la Bibliothèque. La Bibliothèque d’Alexandrie comprenait d’ailleurs probablement un zoo pour la recherche. Il écrivit plusieurs ouvrages sur les animaux, dont l’Histoire des animaux, aujourd’hui perdu, dans lequel il réalisa des descriptions minutieuses de diverses espèces animales, ainsi que des observations sur leur morphologie, leur comportement, leur alimentation, leur reproduction et leur habitat. Il adopta une approche empirique basée sur l’observation directe de la nature. Ses descriptions incluaient une grande variété d’animaux, allant des mammifères et des oiseaux aux reptiles, aux poissons et aux invertébrés. Ses écrits furent influencés par les travaux d’Aristote, mais il développa également ses propres idées et observations. Il mourut d’une morsure de vipère aspic, un comble.
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7 – Ingénierie :
L’époque hellénistique a vu des développements importants dans le domaine de l’ingénierie. Les ingénieurs conçurent et construisirent des structures impressionnantes entrées dans la légende de l’histoire de l’art et de l’architecture, dont deux furent classées parmi les Sept merveilles du monde antique.
Le colosse de Rhodes
Commençons par la statue du Colosse de Rhodes qui fut érigée au début du IIIe siècle avant notre ère pour commémorer la résistance de la cité face au siège de Démétrios. Celui-ci y gagna tout de même son épithète de Poliorcète, soit le « Preneur de ville ». La statue fut conçue et construite par Charès de Lindos, un sculpteur renommé de son temps.
La statue fut réalisée en bronze, avec une structure interne en bois et en fer pour la soutenir. On estime sa hauteur totale a environ 33 mètres, ce qui en faisait l’une des statues les plus grandes du monde antique. La construction du Colosse de Rhodes commença vers 292 et a pris environ 12 ans pour être achevée. La statue était située à l’entrée du port de Rhodes, sur un piédestal en marbre, et était visible de loin en mer, ce qui en faisait une merveille architecturale de l’époque.
Mais la statue du Colosse ne survécut que peu de temps. En 226, un tremblement de terre dévastateur frappa l’île de Rhodes et provoqua la chute de la statue, qui se brisa en plusieurs morceaux. Les ruines de la statue restèrent sur place pendant plusieurs siècles, jusqu’à ce qu’elles soient finalement démantelées et recyclées par les Arabes au VIIe siècle.
Le Phare d’Alexandrie

Quant au phare d’Alexandrie, qui tire son nom de l’île de Pharos, sa construction fut décidée par Ptolémée pour améliorer la navigation dans le port d’Alexandrie, qui était voué à devenir un important centre commercial.
La tradition veut que la conception et la construction du phare furent confiées à l’architecte Sostrate de Cnide, connu pour son expertise en ingénierie et en construction navale. Mais d’autres hypothèses avancent comme concepteur le mathématicien Euclide.
Le phare était une tour en forme de colonne, construite en blocs de pierre et recouverte de marbre blanc, avec une hauteur estimée entre 115 et 135 mètres. Celui-ci était composé de trois niveaux: une base carrée, un fût octogonal et une lanterne circulaire au sommet. La lanterne était équipée d’un grand miroir réfléchissant qui reflétait la lumière du feu allumé la nuit, permettant ainsi de guider les navires à travers les eaux sombres. La construction du phare d’Alexandrie fut considérée comme un exploit technique pour l’époque. Des techniques de construction innovantes auraient été utilisées, comme l’utilisation de grues et de chariots tirés par des animaux pour transporter et monter les lourds blocs de pierre, ainsi que l’utilisation de mortier pour lier les pierres ensemble.
Sa destruction complète au XIVe siècle
La construction du phare aurait pris plusieurs années, avec l’aide de nombreux ouvriers qualifiés. Des récits de voyageurs et de géographes de l’époque, tels que Strabon et Pline l’Ancien, contribuèrent à sa renommée. Le phare fut détruit au cours des siècles. Il aurait été endommagé par des séismes et des raz-de-marée successifs, et finalement détruit par un tremblement de terre survenu au XIVe siècle. Les ruines du phare furent au fil du temps utilisées comme carrière pour la construction d’autres bâtiments, et aujourd’hui il ne reste plus rien du phare d’Alexandrie (il s’est éboulé dans la baie).
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8 – Voyages de découvertes :
Mégasthène
Des voyages de découvertes marquèrent fortement l’époque. Parlons d’abord de Mégasthène, un diplomate et un géographe, mort en 282 avant notre ère. Il laissa la plus ancienne description de l’Inde réalisées par des Européens. Originaire d’Ionie, il fut envoyé en ambassade vers 303 par Séleucos auprès du roi Chandragupta Maurya dont la cour se tenait à Pataliputra, l’actuelle Patna dans le Bihar. Il aborda le sous-continent indien via l’actuel Pendjab, dont il décrit en détail les fleuves. Puis il emprunta la route royale vers Pataliputra et arriva à la cour maurya où il a demeura une dizaine d’années.
Il rédigea un rapport détaillé en quatre volumes, Indica, aujourd’hui perdu, mais connu partiellement par des citations d’auteurs tardifs comme Arrien, Diodore et Strabon. Mégasthène faisait mention de la chaîne himalayenne, du Tibet et du Sri Lanka. Il décrivait aussi les pratiques religieuses, le système des caste, la vie quotidienne, la faune, la flore, les systèmes politiques et les coutumes indiennes. L’Indica fut durant l’Antiquité une source primordiale de connaissances concernant le monde indien.
Pythéas, grand explorateur du IVe siècle av. notre ère
Originaire de Massalia, l’antique Marseille, il est célèbre pour ses voyages en mer du Nord. Entre 330 et 300, la datation restant sujette à caution, il entreprit un voyage d’exploration maritime depuis Marseille vers la mer du Nord. Il est possible qu’il naviguât sur une galère mixte, à rame et à voile, faisant à la fois du cabotage et du long cours. Mais il aurait pu tout aussi bien n’avoir été que passager de bateaux de commerce et de pêche, car aucune source antique ne le qualifie de navigateur.
Il navigua le long de la côte occidentale de l’Europe jusqu’aux îles britanniques, puis vers le nord jusqu’en Scandinavie et à travers la mer du Nord. Son voyage le fit atteindre les régions de la mer Baltique et les côtes de la Scandinavie, de la Grande-Bretagne et de l’Irlande. Il fut donc l’un des premiers à décrire les régions du nord de l’Europe.

Pythéas étudia les phénomènes des marées, des éclipses de lune et des aurores boréales. Quant au but de cette expédition, elle avait d’abord une visée scientifique. Mais certains historiens ont imaginé que Pythéas serait parti à la recherche de nouvelles sources de matières premières. On a même conjecturé une rivalité commerciale entre Marseille et Carthage.
Il proposa que la Terre était une sphère et que les marées étaient causées par l’influence de la lune sur les océans.
Il avança également l’idée d’une région polaire glacée. Les écrits de Pythéas sur ses voyages eurent une influence significative sur la cartographie et la géographie. Ses observations et ses théories furent utilisées par d’autres savants grecs, tels Ératosthène et Strabon, ainsi que par les Romains Pline l’Ancien et Jules César. Cependant, les écrits originaux de Pythéas furent perdus et nous n’en possédons que des fragments et des citations faites d’autres auteurs. De nos jours, il est honoré à Marseille par des statues, des plaques commémoratives et des noms de rues.
Pour conclure, Sciences et savants à l’époque hellénistique, partie 2
Finalement l’esprit hellénistique se voulait à la fois empirique et spéculatif, curieux de toute chose. ll permit un formidable foisonnement d’idées nouvelles et de découvertes scientifiques. Quitte à se permettre un anachronisme, on retrouve cet esprit chez les savants et les humanistes du XVe siècle, dont le plus illustre représentant est Léonard de Vinci.
Source: Dictionnaire de l’Antiquité, sous la direction de Jean LECLANT, PUF, 2003